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Si vieillir est une chance, l’habitat doit être une des solutions. L’environnement dans lequel nous vivons est un élément déterminant pour notre bien-être, notre santé et notre autonomie.
Le maintien à domicile des personnes âgées passe par une disposition et un aménagement judicieux du lieu de vie. Jean-François Pichon, ergothérapeute et responsable du BuMA, a lancé un ambitieux projet de prévention et de sensibilisation à cet enjeu, aussi bien auprès des seniors qu’auprès des acteurs de l’immobilier.

Dans le cadre d’un CAS (Certificate of Advanced Studies) à l’EESP Lausanne, vous avez rédigé un projet intitulé «Vivre chez soi dans un logement durable». L’institution mandante était l’ASPMAD. Quelle est l’idée directrice?
Que ce soit dans la construction ou la rénovation, l’idée est que l’on peut anticiper sur les besoins d’une population vieillissante en concevant, au départ, des lieux de vie adaptables et modulables, ce que nous avons appelé des logements durables.

Qu’est-ce qu’un logement durable?
Il faut regarder l’ensemble: les couleurs, les matériaux, l’acoustique, l’éclairage, les espaces pour les passages, la disposition et le nombre des pièces, les accès extérieurs, etc. Un appartement durable doit pouvoir accueillir une personne à mobilité réduite, mais aussi présenter de bons repères pour quelqu’un qui a des problèmes de vue, d’audition, ou encore des troubles cognitifs légers. Cela passe par des aménagements très concrets. Par exemple, si j’utilise un rollator et que je suis devant une porte qui s’ouvre dans ma direction, il faudrait un espace à côté de cette porte pour que je puisse l’ouvrir sans reculer. Dans les salles de bains souvent exiguës, la porte devrait toujours s’ouvrir vers l’extérieur, sinon une personne qui chute va bloquer la sortie avec son corps. Dans cette même salle de bains, une paroi en béton, mieux qu’un simple galandage, permettra de fixer solidement une poignée ou un siège rabattable. L’anticipation peut aussi porter sur le nombre de pièces: chez un couple âgé, lorsque la santé d’un des conjoints se péjore, il est bénéfique au proche aidant de pouvoir dormir dans une pièce différente pour ne pas s’épuiser.

Tout cela a un coût évidemment.
Oui, mais ces coûts sont bien moins élevés si on a pensé les choses avant. Un exemple: la hauteur standard d’un WC est de 43 cm, la norme SIA pour les personnes à mobilité réduite est à 47 cm. Ça ne coûte rien de percer des trous de fixation 4 cm plus haut! Autre exemple: dans le cas d’une rénovation lourde, on remplacera la baignoire par une douche, à la fois plus écologique et plus pratique. C’est un investissement économique à long terme: une personne vivant dans un appartement bien conçu a moins besoin d’aide.

Il s’agit d’anticiper, donc d’informer et de convaincre. Quelle stratégie proposez-vous dans votre projet?
Elle est double. Il s’agit d’abord de sensibiliser les (futurs) usagers eux-mêmes car un jeune senior ne se projette pas spontanément dans le grand âge. Une de mes propositions est de travailler avec le Conseil des Seniors de la Ville d’Yverdon (COSY) en formant certains d’entre eux à ces enjeux, et qui à leur tour sensibiliseront leur entourage. C’est la formation par les pairs; un système très puissant pour propager de nouvelles idées et un nouveau regard sur ce que doit être le logement durable.
L’autre axe consiste à convaincre les acteurs de la construction et de l’immobilier. Une des pistes pourrait être de constituer un petit groupe formé de seniors du COSY et d’experts, qui ira trouver propriétaires et gérances afin de négocier des aménagements pertinents pouvant servir de modèles à suivre. On peut y arriver si on adopte une approche fine et à long terme proposant une nouvelle attitude face au vieillissement.

Dans ces démarches futures, quel sera votre rôle et celui des CMS?
J’apporterai personnellement mon expertise en matière d’ergothérapie, de moyens auxiliaires et de conduite de projets. De leur côté, forts de leur vaste expérience du terrain avec des populations fragilisées, les CMS se profileront comme ressources dans la résolution des problèmes que les jeunes retraités d’aujourd’hui rencontreront demain sur leur lieu de vie.